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Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe - Venise, quand je vous vis, un quart de siècle écoulé...
Venise, quand je vous vis, un quart de siècle écoulé, vous étiez sous l'empire du grand homme, votre oppresseur et le mien; une île attendait sa tombe; une île est la votre : vous dormez l'un et l'autre immortels dans vos Sainte-Hélène. Venise!nos destins ont été pareil! mes songes s'évanouissent, à mesure que vos palais s'écroulent : les heures de mon printemps se sont noircies, comme les arabesques dont le faite de vos monuments est orné. Mais vous périssez à votre insu; moi je sais mes ruines; votre ciel voluptueux, la vénusté des flots qui vous lavent, me trouve aussi sensible que je le fus jamais. Inutilement je vieillis; je rêve encore mille chimères. L'énergie de ma nature s'est resserrée au fond de mon coeur; les ans, au lieu de m'assagir, n'ont réussi qu'à chasser ma jeunesse extérieure, à la faire rentrer dans mon sein. Quelles caresses l'attireront maintenant au dehors pour m'empêcher de m'étouffer? Quelle rosée descendra sur moi? Quelle brise émanée des fleurs me pénétrera de sa tiède haleine? Le vent qui souffle sur une tête à demi dépouillé ne vient d'aucun rivage heureux!